Editorial - Avril 2014 - n° 174
PHUC LEHOANG - BAHRAM BODAGHI / DHU Vision et Handicaps, Service d’Ophtalmologie, CHU Pitié-SalpêtrièreLes uvéites peuvent se compliquer de glaucome dans près de 10% des cas.
Le glaucome « inflammatoire » ou « uvéïtique » est une complication grave. Il représente l’un des glaucomes secondaires le plus difficile à prendre en charge en raison de la complexité des mécanismes qui en sont à l’origine. Les nécessités pour faire régresser l’inflammation intra-oculaire sont souvent en contradiction avec l’obtention d’un bon équilibre de la pression intra-oculaire. Ceci est particulièrement vrai pour la corticothérapie (qu’elle soit topique, péri-bulbaire ou systémique) : il existe une balance difficile à déterminer entre d’une part une corticothérapie suffisamment efficace sur l’inflammation mais entraînant un glaucome cortisonique et d’autre part une corticothérapie ne générant pas d’hypertonie mais insuffisamment active pour contrôler correctement l’inflammation intra-oculaire ; un traitement insuffisant de l’inflammation peut entraîner, à court ou moyen terme, une hypertonie oculaire due aux lésions inflammatoires des voies d’écoulement de l’humeur aqueuse. En effet, l’inflammation torpide persistante peut se solder par des complications d’apparition insidieuse responsables d’une hypertonie secondaire (synéchies irido-cristalliniennes, synéchies antérieures périphériques, goniosynéchies, encrassement des voies d’évacuation par une humeur aqueuse pathologique trop riche en protéines et en débris).
En dehors des phénomènes mécaniques, il faut savoir qu’un ralentissement du flux de l’humeur aqueuse lié à une inflammation chronique du corps ciliaire entraîne par lui-même une altération des cellules du trabéculum avec comme conséquence une augmentation de la résistance à l’écoulement.
En règle générale, l’hypertonie oculaire associée à une inflammation intra-oculaire impose une utilisation adaptée et mesurée des corticoïdes avec une évaluation régulière des doses nécessaires et suffisantes pour éviter l’apparition d’une hypertonie cortisonique.
La survenue d’un glaucome cortisonique gêne la prise en charge des uvéites, en particulier des uvéites chroniques ; elle justifie souvent soit l’adjonction de traitements immunorégulateurs permettant une épargne cortisonique, soit une intervention chirurgicale anti-glaucomateuse pour permettre l’administration prolongée de corticoïdes locaux et/ou généraux.
Les principaux facteurs favorisants l’apparition d’une hypertonie au cours des uvéites sont :
• le siège antérieur de l’inflammation ;
Uvéites Antérieures (67%) > Uvéites Postérieures (13%) > Uvéites Intermédiaires (4%)
• l’âge
• la chronicité de l’inflammation
• la sévérité de l’uvéite
• la susceptibilité au glaucome cortisonique
• les antécédents de glaucome primitif à angle ouvert
Les principales étiologies sont :
• les uvéites herpétiques : 22% des cas
• la cyclite hétérochromique de Fuchs : 19 % des cas
• les uvéites de l’Arthrite Juvénile Idiopathique : 16% des cas
• la syphilis : 14% des cas
• la sarcoïdose : 12% des cas
A part, il faut souligner l’extrême sévérité des glaucomes associés aux uvéites de l’enfant compliquant l’Arthrite Juvénile Idiopathique (AJI) dont les complications pressionnelles sont particulièrement difficiles à traiter. Dans ces cas, à une fréquente hypotonie initiale (due à une inflammation torpide mal contrôlée) succède une hypertonie souvent rebelle dont le traitement reste très ardu ; le traitement de cette hypertonie est difficile à doser ; trop efficace, il peut paradoxalement conduire à une phtise oculaire par défaut de secrétion correcte et suffisante d’humeur aqueuse.
Vous découvrirez dans ce dossier de Réflexions Ophtalmologiques les principaux diagnostics étiologiques et pièges à éviter dans la prise en charge du glaucome uvéïtique.