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RéfleXions Rhumatologiques la revue

Editorial - Novembre 2019 - n° 213

Florent Eymard


L’arthrose, une maladie inflammatoire aux multiples facettes


L’arthrose, bien qu’étant la pathologie musculosquelettique la plus fréquente et de diagnostic le plus souvent aisé, reste un défi thérapeutique. En effet, il n’existe à ce jour que peu de traitements à visée symptomatique ayant réellement fait la preuve de leur efficacité dans cette maladie et permettant, au mieux, une amélioration partielle des douleurs et de la limitation fonctionnelle tandis qu’aucun traitement n’a montré d’effet structural substantiel. Seuls quelques travaux préliminaires dans des modèles murins ou chez l’homme, sur de faibles effectifs, laissent entrevoir un espoir en certaines thérapeutiques à visée chondroprotectrice (cellules souches, FGF18, inhibiteur de la voie WNT, inhibiteur de l’ADAMTS5).

Une des explications à la pauvreté de notre arsenal thérapeutique tient à la complexité de la physiopathologie de l’arthrose, initialement considérée comme une maladie dégénérative du cartilage secondaire à l’excès des contraintes mécaniques. Or, il est maintenant bien connu que l’arthrose est une maladie non seulement du cartilage, mais de l’ensemble des tissus de l’articulation (cartilage, membrane synoviale, os sous-chondral, muscles, tendons, etc.), au cours de laquelle l’inflammation chronique de bas grade joue un rôle central via le recrutement local de cellules de l’inflammation (macrophages, mastocytes…) et la sécrétion de nombreux médiateurs de l’inflammation (cytokines, chimiokines) par les chondrocytes, les synoviocytes ainsi que par les cellules de l’immunité recrutées. Les différents mécanismes de cette inflammation chronique et son effet délétère sur les tissus articulaires seront détaillés dans le premier article proposé par le Dr Alice Courties. Comptetenu de l’implication des processus inflammatoires au cours de l’arthrose, il semblerait logique que les modulateurs de l’inflammation puissent limiter les symptômes et/ou ralentir l’évolution de cette pathologie. En ce sens, l’effet positif des injections intra-articulaires de corticoïdes retard est bien démontré, même s’il est parfois remis en question, et qu’il reste, en tout état de cause, partiel et transitoire. De même, les anti-inflammatoires non stéroïdiens ont une certaine efficacité dans l’arthrose, qui, bien que modérée, est pour autant supérieure à celle du paracétamol. En revanche, les données sont nettement plus décevantes concernant l’effet de certains immuno-modulateurs plus ou moins sélectifs, tels que l’hydroxychloroquine, le méthotrexate mais aussi les traitements biologiques anti-cytokiniques (anti-IL-1, anti- TNF-alpha, etc.) dont les résultats seront détaillés et analysés dans un deuxième article rédigé par le Pr Xavier Chevalier.

Une des explications de cette contradiction apparente entre l’échec relatif des traitements modulateurs de l’inflammation et le rôle central de celle-ci dans la physiopathologie de l’arthrose tient peut-être dans l’hétérogénéité de ce que l’on regroupe sous le terme général d’arthrose. Cette hétérogénéité est à la fois liée aux différentes localisations potentiellement atteintes dans cette maladie (principalement le genou, les doigts, la hanche et le rachis) et aux nombreuses étiologies conduisant à une arthrose. C’est de cette hétérogénéité qu’est née la notion de phénotypes arthrosiques.
Ainsi, la coxarthrose secondaire à une dysplasie congénitale n’est probablement pas exactement la même maladie que l’arthrose digitale du sujet obèse ou que la gonarthrose du sportif de haut niveau ayant eu une méniscectomie. Il est probable qu’elles ne répondent pas aux mêmes mécanismes physiopathologiques initiateurs.
Ainsi, même si, dans chacune d’entre elles, des phénomènes inflammatoires contribuent à l’entretien de l’atteinte articulaire, leur implication n’est sûrement pas exactement la même, en fonction du type d’arthrose. En effet, on l’imagine plus centrale et initiatrice dans la gonarthrose ou l’arthrose digitale liée à l’obésité que dans l’arthrose post-traumatique. Dans un troisième article, nous tenterons donc d’analyser l’impact des phénomènes inflammatoires en fonction des principaux phénotypes et localisations d’arthrose.
Une meilleure compréhension du rôle de l’inflammation en fonction des spécificités des différents phénotypes d’arthrose aboutira possiblement à l’avènement d’une médecine « personnalisée », tenant compte de la localisation et de l’étiologie de l’arthrose dans le choix des thérapeutiques à utiliser.