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RéfleXions Rhumatologiques la revue

Editorial - Octobre 2013 - n° 161

Éric Toussirot
- Centre Investigation Clinique Biothérapie INSERM CBT-506, Pôle Recherche, CHRU Besançon
- Service de Rhumatologie, Pôle PACTE (Pathologies Aiguës, Chroniques, Transplantat ion, Éducat ion), CHRU de Besançon,
- Département Universitaire de Thérapeutique & Équipe d’Accueil 4266 «Agents Pathogènes et Inf lammation», SFR FED 4234, Université de Franche-Comté, Besançon

 

Blocage de l’interleukine-1 : vers un large spectre d’indications thérapeutiques?


L’interleukine-1 (IL-1) est une cytokine pro-inflammatoire dont les effets biologiques sont bien connus. Elle agit comme un médiateur du système immunitaire en réponse à une agression de type infection ou inflammation et est impliquée aussi bien dans les processus inflammatoires aigus que chroniques (1, 2). Son rôle physiopathologique dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) est depuis longtemps déterminé (rôle dans la phase inflammatoire et la destruction ostéo-cartilagineuse) et l’IL-1 fait ainsi partie des cytokines pro-inflammatoire par excellence avec le TNFα et l’IL-6. Ces trois cytokines ont donc logiquement fait l’objet d’un ciblage thérapeutique dans la PR.

Toutefois l’implication de IL-1 dans une pathologie comme la PR n’est pas aussi évidente que cela lorsque l’on constate les résultats cliniques de son blocage, du moins avec l’agent biologique actuellement disponible et bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication, l’anakinra.

L’IL-1 est en revanche une cytokine clé de la réponse de l’immunité innée et elle a trouvé sa place dans le puzzle physiopathologique des pathologies mettant en jeu ce système. Les syndromes auto-inflammatoires comme les fièvres récurrentes héréditaires sont des pathologies complexes, rares, avec une expression pédiatrique pour beaucoup d’entre eux, et il faut le reconnaître, un peu méconnus des médecins.

Les progrès portant sur la génétique de ces pathologies et la compréhension de leur physiopathologie, avec la mise en jeu de l’inflammasome (complexe intra cellulaire protéique dont l’assemblage va provoquer l’activation de la caspase et la libération de l’IL-1ß active), ont mis en lumière le rôle majeur que pouvait jouer l’IL-1 dans les syndromes auto-inflammatoires et ont donc abouti, dans une approche logiquement translationnelle, au ciblage spécifique de l’IL-1, avec le succès que l’on a constaté (2).

L’IL-1 intéresse le rhumatologue du fait de son rôle (mais qui ne semble pas au premier plan) dans la PR. Son implication dans les autres rhumatismes inflammatoires chroniques est plus nuancée (exemple de la spondylarthrite ankylosante où il existe une liaison génétique avec le complexe génétique codant pour l’IL-1, mais pour laquelle l’anakinra est inefficace). En revanche (et c’est le développement de ces cinq dernières années pour les anti-IL-1), la goutte et les autres arthrites microcristallines mettent en jeu l’inflammasome et sont donc source d’une production importante d’IL-1. Il était donc logique de tester les inhibiteurs de l’IL-1 dans ces indications.

La biologie de l’IL-1 étant connue (IL-α et IL-ß, récepteurs IL-1R1, protéine accessoire du récepteur de l’IL-1, récepteur IL- 1R2, antagoniste du récepteur de l’IL-1), des agents bloquant l’action de l’IL-1 ont vu le jour, avec initialement, l’antagoniste du récepteur de l’IL-1 ou anakinra, puis une protéine de fusion du récepteur de l’IL-1ou rilonacept et le canakinumab, anticorps monoclonal anti IL-1ß.

Ce dossier thématique fait donc le point sur la place de l’IL-1 et son ciblage dans des pathologies comme la PR, la goutte et les syndromes autoinflammatoires en 2013.

Philippe Saas, immunologiste (INSERM UMR1098, Besançon), reprend la biologie de l’IL-1 avec les deux IL-1, IL-1α et IL-ß, leurs actions biologiques et sources cellulaires et aborde les mécanismes cellulaires contribuant à sa production avec l’intervention des récepteurs spécialisés (TLR, NLR) et de l’inflammasome.

La PR étant l’indication princeps du premier agent anti-IL1, il est légitime de consacrer un article aux données de l’anakinra dans cette pathologie. Olivier Brocq, rhumatologue (Monaco) reprend les données de cet agent anti-IL-1 dans la PR et aborde la question de sa place dans la stratégie thérapeutique de la PR en 2013.

Les anti-IL-1 ont révolutionné la prise en charge des syndromes autoinflammatoires. Linda Rossi, pédiatre (centre de références des maladies autoinflammatoires, Le Kremlin- Bicètre) nous donne un aperçu sur les syndromes autoinflammatoires et détaille les résultats des anti-IL-1 dans ces maladies complexes.

Borbala Pazar Maldonado et Alexander So, rhumatologues (Lausanne Suisse) reprennent le rationnel du blocage de l’IL-1 dans la crise aiguë de goutte et les données de l’utilisation des anti-IL-1, notamment le canakinumab, dans cette indication. Enfin, parallèlement à l’anakinra, il convient d’aborder les autres agents anti-IL-1 disponibles sur le marché (canakinumab et rilonacept) et ceux en développement.

A côté des maladies prototypes que sont les fièvres récurrentes héréditaires, le concept de maladies autoinflammatoires s’est étendu à d’autres pathologies qui sont plurifactorielles et qui sollicitent de façon non exclusive l’immunité innée. Il existe ainsi un continuum entre syndrome autoinflammatoire et les maladies autoimmunes, qui impliquent pour certaines les protéines de l’inflammasome (3). Citons par exemple la maladie de Crohn qui met en jeu l’inflammasome NOD2. Mais la participation pathologique de l’IL-1 dépasse le cadre de ces maladies à expression articulaire ou systémique pour contribuer à des processus pathologiques comme l’athérosclérose (par le biais de son rôle pro-inflammatoire) ou le diabète (cf article de Philippe Saas). Des essais avec les anti-IL- 1 sont actuellement en cours respectivement dans le diabète (4) (de type 2 mais aussi de type 1 avec des résultats pour l’instant mitigés) et en cardiologie (essai CANTOS : canakinumab antiinflammatory thrombosis outcomes study : il s’agit d’un essai randomisé contrôlé évaluant l’effet du canakinumab comparativement à un placebo sur la survenue d’infarctus du myocarde récurrent, d’accident vasculaire cérébral et de décès d’origine cardio-vasculaire chez des patients à haut risque cardio-vasculaire avec une élévation de la CRP ultra-sensible, malgré les stratégies préventives conventionnelles) (5).

Tous ces développements thérapeutiques montrent bien que le rôle de l’IL-1 dépasse largement le cadre de certaines pathologies à expression purement articulaire. Si les anti-IL-1 sont désormais positionnés dans les syndromes autoinflammatoires, il reste à démontrer leur utilité et/ou définir leur place dans les pathologies plus communes comme la goutte, mais aussi les rhumatismes inflammatoires chroniques et maladies autoimmunes, le diabète et dans la prévention des complications cardiovasculaires.

Références
1- Mitroulis I, Skendros P, Ritis K. Targeting IL-1β in disease : the expanding role of NLRP3 inflammasome. Eur J Intern Med, 2010; 21: 157-63.
2- Dinarello CA, Simon A, van der Meer JWM. Treating inflammation by blocking interleukin-1 in a broad spectrum of disease. Nature Rev Drug Discover, 2012; 11: 633- 52.
3- Mc Dermott MF. A proposed classification of the immunological diseases. Plos Med, 2006, 3: e297.
4- Moran A, Bundy B, Becker DJ et al. Interleukin-1 antagonism in type-1 diabetes of recent onset : two multicentre, randomised, double-blind, placebo-controlled trials. Lancet, 2013; 381: 1905-15.
5- Ridker PM. Closing the loop on inflammation and atherothrombosis : why perform the Cirt and Cantos trial ?. Trans Am Clin Climatol Assoc , 2013; 124: 174-90.