Editorial - Novembre 2020 - n° 221
Fabrice MichelFabrice Michel
Service de Médecine Physique et de Réadaptation, CHU Jean-Minjoz, Besançon
Le genou du sportif
Les douleurs de genou sont une demande fréquente de consultations dans le cadre de la médecine du sport. Un interrogatoire rigoureux permet de discerner les grands cadres pathologiques. En effet la douleur reste l’élément clé à analyser.
Le début des plaintes doit être précisé :
• début brutal ou progressif,
• cadre traumatique (mécanisme intrinsèque ou extrinsèque) ou cadre microtraumatique. Dans le cadre traumatique, la compréhension du mécanisme lésionnel permet de suspecter les structures lésées (mécanismes en distraction souvent source de lésions ligamentaires, mécanismes en compression plus souvent à l’origine de lésions osseuses, cartilagineuses ou méniscales).
La localisation des douleurs et les irradiations sont importantes à considérer. Une analyse 4 faces permet souvent de préciser la structure concernée. Les lésions ligamentaires, méniscales ou tendineuses restent souvent localisées avec peu d’irradiation, alors que la pathologie fémoro-patellaire donne souvent des douleurs beaucoup plus diffuses.
Les signes associés sont souvent sous-estimés dans le cadre de l’interrogatoire des gonalgies. Pourtant ces derniers doivent être systématiquement mis en avant :
• Hydarthrose : le genou gonfle-t-il ? Parfois, le patient rapporte une sensation de tension ou de gonflement sans que l’examen clinique ne le confirme. Il s’agit alors souvent d’une souffrance fémoro-patellaire, sachant que, dans ce cas précis, si la notion d’épanchement articulaire survenait il faudrait conclure à une chondropathie fémoro-patellaire. La notion de gonflement dans les 3 heures suivant un épisode traumatique doit faire évoquer une lésion du pivot central, une lésion ostéochondrale, une désinsertion méniscale ou un contexte à risque tel que la prise d’un traitement anticoagulant.
• Blocage : la notion de blocage en extension oriente fortement vers une souffrance méniscale, alors que la notion de blocage en flexion oriente plus vers une souffrance fémoro-patellaire. Il s’agit souvent d’un pseudoblocage, contrairement au blocage méniscal.
• Instabilité : cette symptomatologie oriente vers une pathologie ligamentaire (surtout le pivot central) ou vers une pathologie méniscale si cette instabilité survient lors de changements de direction. En revanche, ce tableau d’instabilité peut être présent même lors de la marche dans l’axe, dans les escaliers ou sur terrains irréguliers. Dans ce cas, l’orientation se fait surtout vers le compartiment fémoro-patellaire et fera rechercher des signes tels que des craquements, des douleurs en position fléchie, accroupie ou des situations assises prolongées (signe du cinéma avec douleurs et dérouillage après une position assise prolongée sur un siège bas).
L’examen physique doit prendre en considération successivement les structures osseuses (palpation des reliefs osseux) et les structures méniscales (blocage en extension, douleurs à la palpation de l’interligne et lors des manoeuvres de compression), tester les structures ligamentaires (analyse dans les trois plans de l’espace pour définir l’existence d’un tiroir dans le plan sagittal, d’un bâillement dans le plan frontal ou d’un ressaut dans le plan axial), les tendons (recherche d’une douleur lors de la triade en étirement, en contraction résistée et à la palpation) et, enfin, les muscles au pourtour du genou (recherche de douleurs localisées au niveau musculaire lors de cette même triade).
De cette démarche rigoureuse le praticien propose un diagnostic que les techniques d’imagerie adaptées confirmeront ou rectifieront éventuellement. Ainsi, le projet thérapeutique pourra être élaboré et mis en application avec des délais adaptés et une proposition de réévaluation à distance dans le cadre du suivi. Ce dernier sera précis sur les délais nécessaires de cicatrisation, de renforcement si besoin ou de compensation selon la structure lésée et sans sous-estimer la phase de réadaptation fonctionnelle avec une progressivité dans la reprise de course, la reprise d’appuis et, enfin, la reprogrammation du geste sportif. Ces dernières phases se font souvent dans le haut niveau en interaction avec les préparateurs physiques et les kinésithérapeutes. Le médecin doit avoir connaissance des grands principes de ces phases nécessaires de réathlétisation pour non seulement interagir avec les personnes impliquées sur le terrain autour du sportif mais également pour répondre au mieux à la demande de délais de reprise qui restent très tôt le questionnement des patients sportifs.
Cette démarche clinique rigoureuse, fondée sur des connaissances anatomo-fonctionnelles nécessaires pour comprendre et maîtriser les différentes manoeuvres, donne au praticien dans la majorité des cas une autonomie dans le diagnostic, ainsi que dans le suivi de ces pathologies de genou. Cet enseignement est indispensable et doit rester une vraie richesse pour le clinicien dans le cadre de la pathologie de l’appareil locomoteur.
Nous reprendrons ainsi dans ce dossier les thématiques les plus fréquemment rencontrées dans le cadre de la pathologie du genou du sportif.