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RéfleXions Rhumatologiques la revue

Editorial - Janvier 2013 - n° 154

Eric Toussirot

IRM et Spondyloarthrites


L’imagerie occupe une place centrale dans le diagnostic des spondyloarthrites (SpA). La présence d’une sacroiliite objectivée en radiologie conventionnelle (bilatérale de grade ≥ 2 ou unilatérale de grade 3-4) est en effet requise pour retenir le diagnostic de spondylarthrite ankylosante (SA) selon les critères de New York modifiés, apportant ainsi un diagnostic de certitude. Cette atteinte radiologique est cependant tardive comme chacun sait, avec un retard de 7 à 10 ans par rapport aux premières manifestations cliniques.


Les autres systèmes de classification d’Amor ou de l’ESSG prennent en compte l’ensemble des manifestations cliniques
des différentes formes cliniques de spondylarthropathies, permettant d’élargir et de valider le concept de ce groupe
de pathologies ayant des caractéristiques clinico-radiologiques communes. Cependant ces critères comportent également l’item sacroiliite objectivée en radiologie conventionnelle et ne sont également pas adaptés aux formes précoces de la maladie (Figure1).


Figure 1 : Critères de classification de New York modifiés, de spondylarthropathies d’Amor et de l’ESSG, de spondyloarthrite axiale de l’ASAS et place de l’IRM dans le diagnostic de spondyloarthrite.


Les autres techniques d’imagerie n’ont pas répondu aux limites et défauts de la radiographie standard en termes de précocité du diagnostic. C’est le cas de la tomodensitométrie qui ne permet que de préciser les lésions structurales des articulations sacroiliaques et de la scintigraphie osseuse dont on connait le manque de spécificité et la faible sensibilité.
La présentation clinique des patients avec une SpA s’est maintenant modifiée. Nous sommes en effet désormais confrontés à des patients présentant des formes débutantes, avec des manifestations diverses, intéressant le rachis, les articulations périphériques ou les enthèses, pour lesquelles nous devons faire un diagnostic précoce et ce pour plusieurs raisons: pour éviter notamment la répétition des examens complémentaires, pour dépister les formes agressives ou évolutives le plus tôt possible et au final, pour proposer un traitement adapté d’emblée. D’autre part, si la radiologie conventionnelle donne des indications sur l’évolution structurale tant aux sacro-iliaques qu’au rachis (évolution vers l’ankylose, apparition des ossifications ligamentaires), elle ne permet pas d’évaluer l’activité de la maladie. Il est donc évident que les techniques d’imagerie conventionnelle ne permettent pas de répondre aux exigences de la prise en charge actuelle des patients présentant une SpA.


L’IRM a connu un développement ces dix dernières années dans les SpA que l’on peut qualifier de majeur et s’est imposée dans l’évaluation actuelle des patients présentant des lombalgies inflammatoires récentes pour le diagnostic des formes récentes de SpA (Figure 1). Son intérêt est grandissant comme en témoigne l’importance de la littérature actuelle sur ce sujet. Elle occupe désormais une place centrale pour le diagnostic de SpA, permet d’évaluer l’activité inflammatoire des patients, de donner des indications sur le plan de la réponse thérapeutique et également sur le plan évolutif. Enfin, elle occupe une place importante dans les discussions physiopathologiques et a ouvert la voie à de récentes hypothèses sur les phénomènes d’ossification rachidienne (Figure2).


Figure 2 : Place de l’IRM dans l’évaluation des spondyloarthrites


Ce dossier thématique est donc consacré à l’IRM dans les spondyloarthrites :


• Michel Runge, radiologue ostéo-articulaire reprend l’anatomie (complexe) des articulations sacro-iliaques, l’apport des différentes techniques d’imagerie conventionnelles (radiographie standard et tomodensitométrie) sur le plan du diagnostic de sacroiliite et rapporte les différentes anomalies (inflammatoires, structurales) que l’on peut observer en IRM au niveau des sacro-iliaques des patients atteints de SpA ou SA.


• Sébastien Aubry, également radiologue ostéoarticulaire, reprend les différentes lésions rachidiennes (corps vertébraux, arc postérieur, lésions inflammatoires et structurales, aiguës et chroniques) observées en IRM dans la SA et SpA.


• L’utilité diagnostique de ces lésions observées en IRM tant au niveau du rachis qu’aux sacro-iliaques est une question pertinente car l’IRM est désormais incluse dans les critères (de classification) de SpA axiale selon l’ASAS (1). Ces lésions « magnétiques » sont également observées dans d’autres pathologies qu’il convient de connaitre et il est utile de se pencher sur la sensibilité, spécificité et l’aide au diagnostic de SpA ou SA de ces différentes lésions.


• Enfin, l’IRM a ouvert la discussion sur la physiopathologie de la progression des lésions d’ossification rachidienne, avec des débats passionnés entre les équipes Allemandes, Néerlandaises et Canadiennes sur ce sujet. Édouard Pertuiset fait le point sur l’état des lieux de la progression dite structurale rachidienne dans la SA.


Si l’IRM est un outil performant et désormais incontournable dans la prise en charge des patients présentant une SA ou SpA, elle présente cependant certaines limites et des questions restent posées (cf article É. Toussirot), comme celle de la standardisation des images et de la formation des cliniciens, en particulier devant des images IRM rachidiennes. Ces aspects sont en effet non spécifiques et nécessitent l’acquisition d’une expérience pour éviter des pièges et de porter le diagnostic de SpA par excès.


Comme cela est indiqué dans une récente revue critique de l’IRM dans les SpA, le niveau de preuve apporté pour son utilité dans le diagnostic de SpA repose sur un nombre limité d’études de bonne qualité méthodologique (soit N = 2 !)
et les auteurs suggèrent donc la prudence dans l’interprétation des lésions observées, la spécificité
des lésions observée sen IRM et rapportée par la recherche n’étant jugée pas suffisante (2).


L’IRM fait cependant par tie intégrante des critères pour le diagnostic de SpA, et permet de guider la thérapeutique, notamment pour l’initiation des agents anti TNFα. En principe, selon l’AMM, les anti TNFα sont indiqués dans la SA
sévère et active (ce qui suppose une sacroiliite radiologique) en réponse inadéquate au traitement conventionnel, mais cette indication a été « élargie » par les recommandations françaises de la SFR et du CRI aux patients présentant
des signes d’inflammation en IRM (3). Depuis peu, cette extension d’indication a été validée par les autorités de santé puisqu’il est désormais possible de mettre sous adalimumab les patients ayant une forme pré-radiographique
de SpA (« adalimumab est indiqué dans le traitement de la spondylarthrite axiale sévère sans signes radiographiques de spondylarthrite ankylosante, mais avec signes objectifs d’inflammation à l’IRM et/ou un taux de CRP élevé chez les
adultes ayant eu une réponse inadéquate ou une intolérance aux AINS »).


Références


1- Rudwaleit M, Landewé R, van der Heijde DM et al. The development of assessment of Spondyloarthritis International Society classification criteria for axial spondyloarthritis
(part I). classifciation of paper patients by expert opinion including uncertainty appraisal. Ann Rheum Dis, 2009 ; 68 : 770-6.
2- Pham T, Fautrel B, Dernis E et al. Recommandations de la société française de rhumatologie pour l’utilisation des anti TNF dans la spondylarthrite ankylosante et le rhumatisme
psoriasique. Mise à jour 2007. Rev Rhum, 2007 ; 74 : 1312-22.
3- Arnbak B, LeBoeuf-Yde C, Jensen TS. A systemtical critical review on MRI in spodnyloarthritis. Arthrits Res Ther, 2012 ; 14 : R55.